Peu de gens se souviennent encore du Longfellow, ce navire qui s’échoua sur la rive du Petit-Matane, le 9 mai 1902. Depuis quelques années, une affiche sur les lieux de l’accident, en rappelle le souvenir. Longfellow, le poète américain, celui-là même qui écrivit Évangéline en 1847, aurait eu des parts dans ce navire battant pavillon norvégien. D’ailleurs, le portrait du célèbre poète se trouvait à bord. Mais, revenons au récit de ce naufrage.
Le printemps avait été hâtif cette année-là. Au début de mai, la neige était fondue et la clémence de la température avait incité plus d’un habitant à mettre ses patates de semence en terre. Mais l’hiver n’avait pas dit son dernier mot; la neige et le froid rappliquèrent aux alentours du huit mai. On vit alors le mauvais temps couvrir la région. Le vent de nordet se leva et une violente tempête de neige fit rage. Dans la nuit suivante, tous les éléments étaient déchaînés. Surtout sur le fleuve où l’on remarqua la furie des flots qui, conjugués au phénomène printanier des grandes marées, venaient déferler en hautes vagues menaçantes sur la rive.
C’est sur cette mer que l’infortuné navire norvégien Longfellow se trouvait à ce moment-là. Il venait d’Halifax, allégé, et faisait route vers Québec pour aller prendre un chargement. Au matin du 9 mai, plusieurs habitants de Petit-Matane l’aperçurent non loin de la côte.
En le voyant ballotté par cette mer en furie, on pressentit que ce vaisseau était en difficulté et qu’il allait bientôt disparaître ou s’échouer. En effet, quelques heures plus tard, il s’échouait, les flots le jetant bien haut sur la rive, dans la partie centre-est de Petit-Matane, devant la terre de Pierre Deschênes.
Après le retrait de la marée, quelques habitants entourèrent le bâtiment échoué pour venir au secours de l’équipage. Les marins débarquèrent tant bien que mal et, bien que secoués et livides, ils étaient heureux de fouler la terre ferme, convaincus d’avoir échappé à la mort.
Tout naturellement, ils trouvèrent refuge dans la maison de Pierre Deschênes. La famille proposa de les héberger dans le vaste grenier de la maison mais ils préférèrent occuper le petit hangar derrière la maison. On étala une bonne quantité de paille sur le sol du hangar et les naufragés couchèrent là au moins deux nuits. Les habitants parlaient d’eux comme de grands blonds.
Quelques jours plus tard, on conduisit le second maître d’équipage et trois matelots à Métis prendre le train pour Québec pendant que le capitaine et le reste de l’équipage demeuraient sur place pour sauver les biens les plus importants.
Le navire naufragé fut vendu par enchères publiques pour 1,300$. Lorsque les acheteurs eurent récupéré le cuivre du bateau et d’autres effets qui avaient une certaine valeur, ils abandonnèrent là, l’épave. Les habitants du coin s’organisèrent alors pour aller chercher les choses qui pouvaient leur être utiles. Les briques de lest du navire servirent à élever plusieurs cheminées, les meubles de la cabine du capitaine furent récupérés, le pont du bateau, fait de belles pièces de bois servit pour les murs d’une grange-étable, toutes les portes du navire trouvèrent preneurs.
Si vous voulez en savoir plus sur ce naufrage, l’ancien Magasin général Armand Gauthier de Petit-Matane vous invite à visiter, dans son sous-sol, le décor de la cale du bateau Longfellow et à y écouter le récit de cet accident maritime.
De plus, la Société d’histoire et de généalogie de Matane a fait paraître dans sa revue #62 en novembre 96, un excellent article de Georgy Bouffard, dont nous nous sommes largement inspirés pour rédiger cette chronique.
Gracia Drapeau