L’épave du BERNIER ET FRÈRES gît au fond du Saint-Laurent depuis la nuit du 13 mai 1952, à plus de 70 mètres de profondeur, à environ huit kilomètres de la côte en face de Baie-des-Sables-Les Boules. Il faisait alors route vers Trois-Rivières, chargé de bois de pulpe. Le navire a coulé, en pleine nuit, sans avoir lancé un appel de détresse.
Disparu en mer, perdu corps et biens, le navire emporte dans la mort son équipage complet de dix marins. Des marins de la côte, des marins de chez nous, comme on dit : six provenaient de Les Méchins, un de Cap-Chat, un de Matane, un de Rimouski et un de Grandes-Bergeronnes, sur la Côte-Nord. Parmi les victimes, il faut compter les trois frères Bernier, propriétaires du navire : Charles-Noël, le capitaine, Georges-Énoch, le capitaine en second et Réal, le troisième ingénieur.
Afin d’authentifier le navire, une expédition de reconnaissance a eu lieu au début de septembre 2006 au-dessus de l’épave. Munie de caméras-robots, une équipe de spécialistes, supervisée par Donald Tremblay, expert en navigation maritime, a pu valider la découverte et reconnaître le navire avec certitude.
Si le naufrage du B.F. demeure un mystère, son histoire est, par contre, empreinte d’un riche vécu. Disons simplement que le navire fut construit aux Chantiers maritimes du gouvernement fédéral, à Saint-Joseph-de-Sorel, et il était destiné au ministère de la Marine et des Pêcheries. Il fut lancé le 18 novembre 1915. Il portait alors le nom de COAL BARGE NO 6.
De 1916 à 1937, il fut principalement affecté aux travaux de dragage sur le Saint-Laurent. Au début de la Deuxième Guerre mondiale, il fut réquisitionné par le ministère canadien de la Défense nationale comme navire d’appoint lors de convois de navires marchands. À la fin de la guerre, de retour à Sorel, il connaît une nouvelle destinée après avoir subi des réparations; il est alors connu sous le nom de ROSELEAF, mais demeure inactif entre les années 1948 et 1951, jusqu’à son rachat en juillet 1951 par la compagnie Bernier & Frères enr. de Matane. Après avoir connu des réparations majeures, une nouvelle vocation : le transport du bois de pulpe depuis la Gaspésie jusqu’à Trois-Rivières. À partir de cette date, le navire porte le nom de B.F. (pour Bernier et Frères).
Au cours des mois d’octobre et de novembre 1951, il effectue quatre voyages entre la Gaspésie et Trois-Rivières. Au printemps 1952, dès la fin mars, il entreprend une nouvelle saison de transport. Lors de son quatrième voyage, le 12 mai, après avoir pris une partie de sa cargaison à Marsoui, puis à Sainte-Anne-des-Monts, le navire, alors chargé de 435 cordes de bois de pulpe, se dirige, comme prévu, vers le port de Trois-Rivières. C’est au cours de ce trajet qu’il fait naufrage, dans la nuit, selon toute vraisemblance vers 2h30. Les causes du naufrage n’ont pas encore été établies avec certitude.
Comme l’épave du B.F. n’avait jamais été localisée et les membres d’équipage perdus en mer, ce naufrage a toujours été considéré comme un mystère non résolu, non seulement pour les familles des marins disparus, mais aussi pour la communauté maritime du Saint-Laurent. Malgré les années qui nous séparent de la nuit tragique du naufrage, des souvenirs cruels ont refait surface depuis l’annonce de la découverte de l’épave. Des questions formulées au moment du naufrage n’ont pas encore complètement trouvé réponses.
Louis Blanchette