La Traverse Matane-Baie-Comeau-Godbout
En avril 1956, des démarches furent entreprises pour établir un service de traversier entre Matane et la Côte-Nord avec un navire adéquat pour faire face au transport routier grandissant entre les deux rives. On proposait même à cette époque un navire pouvant également traverser des trains.
En mai de la même année, débute une vaste campagne d’appuis au projet. Des résolutions de municipalités et des lettres d’appuis seront acheminées au ministre fédéral des Transports.
En 1959, des hommes d’affaires de Matane fondent la compagnie de navigation La Traverse Matane-Godbout Limitée. Dès le mois d’octobre, la nouvelle compagnie se voit octroyer un permis pour le transport de voyageurs, de marchandises et de véhicules. Débute alors la construction d’un navire de 188 pieds de long, d’une jauge de 1400 tonnes et pouvant accueillir 100 passagers et 38 automobiles. Le premier navire de la compagnie est construit aux chantiers maritimes George Brown Limited de Greenock, en Écosse.
Le nom de N.A. COMEAU lui est donné, en hommage à Napoléon-Alexandre Comeau, un pionner de la Côte-Nord. Le navire arrive au port de Matane, le mardi 12 juin 1962 devant une foule de quelques milliers de personnes venues l’accueillir et l’admirer.
Devant une augmentation du trafic, la construction d’un second traversier est devenue nécessaire. La décision de construire un vaisseau plus imposant est prise à la fin de l’année 1964. Un contrat de 2 millions 400 mille dollars est octroyé aux chantiers de la Georges T. Davie de Lauzon. Le second navire de la compagnie matanaise a une jauge de 2 500 tonnes et une longueur de 255 pieds ; il peut accueillir 300 passagers et 55 automobiles. De plus, et c’est là une nouveauté, il possède une armature renforcie pour la navigation dans les glaces. À son baptême, on lui donne le nom de SIEUR D’AMOURS pour commémorer le nom du premier seigneur de la seigneurie de Matane. En juin 1966, il entre en service. Rapidement, il draîne une très forte proportion de la clientèle régionale, à un point tel que le service à partir de Matane contribue à la mort de la liaison maritime Pointe-au-Père et Forestville assurée par le PÈRE NOUVEL.
La navigation dans le port, à la sortie de la rivière Matane, devint très difficile, due à l’accumulation constante des alluvions et en raison d’espaces réduits. Grâce aux interventions du député fédéral René Tremblay, un port en eau profonde est construit à Matane-sur-Mer. En juin 1970, le premier navire à accoster au nouveau port est le SIEUR D’AMOURS.
C’est alors que la compagnie envisage la construction d’un troisième navire et cette fois de type brise-glace. Une fois l’unanimité régionale assurée sur la nécessité d’avoir un seul traversier dans la région et localisé à Matane, les gouvernements fédéral et provincial procèdent à la construction du traversier brise-glace. Construit chez Marine Industries Limitée de Sorel pour la somme de 12 millions à partir de novembre 1972, il entre en opération en mars 1975 sous le nom de CAMILLE-MARCOUX, en hommage au premier médecin originaire de la Basse-Côte-Nord. Le navire mesure plus de 310 pieds de long et a une jauge de 5000 tonnes ; il peut accueillir 600 passagers et 114 véhicules.
Propriétaire du CAMILLE-MARCOUX et des installations de la nouvelle gare maritime, le gouvernement du Québec se porte acquéreur, en mars 1976, des actifs de la compagnie La Traverse Matane-Godbout Limitée.
Il est essentiel de rappeler que le capitaine Henri Piuze doit être considéré comme le fondateur et le père de cette importante compagnie de navigation. Au cœur même des négociations qui ont conduit à la fondation et l’établissement d’un service maritime continu, le capitaine Henri Piuze fut l’homme-orchestre et l’un des grands défenseurs de la mise sur pied d’une liaison maritime moderne entre Matane-Côte-Nord. Pourquoi ne pas lui rendre hommage en donnant son nom au prochain traversier?
Pierre-A. Simard
Réf.: La tradition maritime de Matane par Louis Blanchette